Depuis vingt ans, Philippe Gonçalves façonne le paysage de l’architecture à travers le Groupe Seuil, une structure pluridisciplinaire engagée dans la transition écologique et le management de projet. Cofondateur du Groupe Seuil et fondateur d’Archipreneurs, il partage une vision claire : pour traverser les crises et peser dans la transformation environnementale, les architectes doivent consolider leur posture entrepreneuriale.
Dans cet échange , il revient sur l’évolution de son agence, la création d’Archipreneurs, l’impact de la crise immobilière et les leviers, notamment le financement public, qui permettent aujourd’hui aux agences de se structurer et de se renforcer.
Pourriez-vous vous présenter ainsi que votre agence, le Groupe Seuil ?
Je suis Philippe Gonçalves, architecte. J’ai démarré mon activité en 2005 et en 2007, nous avons créé la société Seuil Architecture avec mon épouse, également architecte.
Nous fêtons donc nos 20 ans d’exercice.
Notre agence s’est progressivement ouverte à différents marchés satellites à la maîtrise d’œuvre. Nous avons constitué un groupe pluridisciplinaire composé de trois structures :
- une agence d’architecture,
- une société d’ingénierie,
- et une société de promotion immobilière.
Le Groupe Seuil nous permet d’accompagner nos clients de manière très transversale, parfois en amont des projets via l’AMO ou l’AMU (Assistance à Maîtrise d’Usage).
C’est d’ailleurs sur ce volet que nous avons beaucoup travaillé avec vous. L’AMU a été pour nous un levier majeur, donnant du sens à notre métier et renforçant le lien humain avec les futurs usagers. Cela a profondément transformé notre manière de travailler.
Nous intervenons également sur des volets plus traditionnels de maîtrise d’exécution, économie et OPC, ce qui rend notre champ d’action assez large.
Quels types de projets ou approches techniques affectionnez-vous particulièrement ?
Chez Groupe Seuil, notre ADN repose sur deux grands piliers :
- le management de projet, à travers l’AMU,
- et l’éco-responsabilité.
Sur la partie construction, nous avons développé une expertise bas carbone : bois, terre, biosourcé, etc.
Nous travaillons également sur la renaturation des sites, avec l’objectif que chaque projet livre un territoire à biodiversité positive, plus riche qu’avant notre intervention, qu’il s’agisse de neuf ou de réhabilitation.
Côtés effectifs, nous sommes passés de 23-24 personnes en 2023 à une dizaine aujourd’hui, en raison du contexte économique difficile.
Mais nos trois structures continuent à évoluer dans une logique pluridisciplinaire.
Quel est votre rôle au sein d’Archipreneurs et comment est née cette initiative ?
Archipreneurs est né d’une réflexion longue.
Nous n’avions pas conscience au départ que nous pouvions jouer un rôle de transmission entre pairs.
Le déclic a eu lieu quand nous avons été sélectionnés parmi les 20 premières agences de l’accélérateur Architecture et Design de BPI France et du Ministère de la Culture.
Ces 18 mois d’accompagnement nous ont convaincus qu’il était urgent de mieux préparer les architectes à leur rôle d’entrepreneurs.
Aujourd’hui, diriger une agence privée, c’est être à la fois architecte et chef d’entreprise, un aspect totalement absent de la formation initiale.
Nous avons donc lancé Archipreneurs en mars 2025, un programme d’accompagnement de 9 à 12 mois pour les agences d’architecture, couvrant tout le spectre :
positionnement stratégique, business model, communication, marketing, etc.
Nous partageons 20 ans d’expérience entrepreneuriale, nos réussites comme nos erreurs, pour aider d’autres architectes à gagner du temps et construire des structures solides.
Notre conviction : les architectes ont un rôle central à jouer dans la transition sociale et environnementale, mais cela passe par des agences économiquement viables et fortes.
Selon vous, comment la crise immobilière et les incertitudes gouvernementales affectent-elles les agences d’architecture ?
La période est très difficile.
Le secteur du bâtiment a toujours connu des cycles, mais aujourd’hui ils sont plus rapides, plus violents et plus rapprochés.
Depuis fin 2022, la crise a été brutale : en six mois, nous avons perdu 50 % du chiffre d’affaires, avec des projets stoppés ou reportés, y compris du côté des collectivités.
Beaucoup d’agences ont dû réduire leurs effectifs.
Il y a une fatigue générale, une perte de visibilité, et des structures qui fonctionnent désormais en sous-effectif, ce qui engendre stress et surmenage.
Mais chaque crise est aussi une opportunité de recul et d’innovation.
Il faut accepter ce qu’on ne maîtrise pas (le contexte économique, géopolitique, culturel…) et se concentrer sur ce sur quoi on peut agir : la valeur qu’on apporte, la clarté de sa stratégie et la cohérence de son projet.
Quels conseils donneriez-vous aux architectes qui manquent de visibilité ?
Le premier conseil, c’est de travailler la clarté : savoir exactement à qui on veut s’adresser.
Les architectes sont souvent des généralistes, mais cela nuit à leur positionnement.
Nous les aidons à identifier leurs personas, à construire une stratégie différenciante et à devenir visibles sur leur créneau.
Nous avons a animé une masterclass pour Archipreneur sur le financement public. En quoi cela a-t-il été utile ? Et comment ces financements peuvent-ils aider les agences d’architecture ?
Oui, la masterclass sur le financement public, enregistrée avec EIF Innovation, a été très utile.
Il existe une méconnaissance générale des dispositifs d’accompagnement et de valorisation de la recherche.
Beaucoup d’agences découvrent qu’elles peuvent en bénéficier.
Votre intervention, avec votre connaissance du secteur de l’architecture et l’outil Harlan, est précieuse : vous rendez accessibles ces démarches à de petites structures qui représentent la majorité du secteur.
Je sais qu’au moins une consœur a déjà commencé à être accompagnée par EIF Innovation suite à cette session.
Vous avez collaboré avec EIF Innovation sur un volet de management de projet. Quel rôle cet accompagnement a-t-il joué dans le développement de votre agence ?
Cet accompagnement a eu un impact structurant.
Il portait sur le management de projet via l’AMU et son influence sur la performance éco-responsable des projets.
Grâce à l’analyse scientifique menée, nous avons pu structurer et capitaliser nos retours d’expérience, et comprendre l’impact réel de cette approche sur les volets environnementaux et sociaux.
Cela a confirmé notre expertise et consolidé notre approche participative et durable, aujourd’hui au cœur de notre ADN.
Le CIR a également été un vrai levier financier, un “poumon” pour absorber les investissements liés à la création d’un pôle d’ingénierie dédié à ces sujets.
A son échelle, le CIR est un outil de structuration pour les petites et moyennes agences qui permet de lisser les investissements, à condition d’être accompagné.
Beaucoup d’architectes n’ont pas le temps ou les outils pour valoriser leur R&D, car ils sont pris dans l’opérationnel.
Votre accompagnement ou des solutions comme Harlan peuvent réellement faciliter ce travail.
Mieux vaut prendre deux jours dans l’année pour structurer son CIR et récupérer 5 % de son chiffre d’affaires en crédit d’impôt, plutôt que de ne rien faire et subir les pertes.