Avec OYAS Environnement, Bastien Noël transforme un savoir-faire ancestral en une véritable dynamique d’innovation au service de la sobriété hydrique. Installée près de Montpellier, la PME artisanale fabrique depuis plus de dix ans des poteries d’irrigation permettant d’économiser jusqu’à 75 % d’eau.
Portée par une vision écologique claire et une R&D désormais structurante, l’entreprise franchit aujourd’hui de nouveaux caps, soutenue par les financements publics et l’accompagnement d’EIF Innovation. Dans cet entretien, Bastien Noël revient sur cette trajectoire où impact, recherche et innovation avancent ensemble.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et présenter OYAS Environnement, ainsi que la mission que vous portez aujourd’hui ?
OYAS Environnement est une PME artisanale située à Saint-Jean-de-Fos, près de Montpellier. Depuis plus de dix ans, nous fabriquons des poteries d’irrigation microporeuses, les Oyas® permettant d’économiser entre 50 et 75 % d’eau par rapport à un arrosage classique.
Dès la création de l’entreprise, nous avons fait des choix forts :
- Une ambition environnementale claire, avec une volonté d’avoir un impact réel sur la gestion de l’eau ;
- Le choix de l’artisanat, pour valoriser un savoir-faire ancestral et relancer une filière locale ;
- Un modèle sociétal engagé, privilégiant la collégialité, la transparence et l’inclusion.
Ces trois piliers structurent encore aujourd’hui toutes nos décisions et définissent la mission que nous portons : proposer des solutions d’irrigation durables tout en réduisant notre propre impact environnemental.
Vous évoluez dans un secteur marqué par une forte pression sur les ressources en eau. Comment ces enjeux influencent-ils vos choix et vos orientations ?
La sobriété hydrique est au cœur de notre travail. Notre solution d’irrigation est née de cette urgence, et aujourd’hui plus d’un million dOyas® ont été fabriquées, permettant d’économiser plus d’un milliard de litres d’eau.
Mais les enjeux du secteur ne se limitent pas à l’usage de l’eau : ils concernent aussi la façon de produire, d’expédier et de consommer. C’est pourquoi nous avons mené un travail continu sur notre impact global :
- Une cuisson réalisée avec 100 % d’électricité renouvelable,
- Zéro rejet d’eau grâce à un système interne d’épuration,
- Réemploi des argiles,
- 98 % de plastiques supprimés de nos expéditions.
Ces défis environnementaux conditionnent l’ensemble de nos choix. Ils renforcent la nécessité d’innover, mais aussi de repenser quotidiennement nos pratiques.
Justement, quel rôle joue la R&D dans votre capacité à innover et à structurer votre organisation ?
La R&D a toujours fait partie de notre ADN. Même lorsque nous n’étions que trois salariés, nous consacrions déjà du temps à améliorer nos produits et nos process. Aujourd’hui, cette démarche est beaucoup plus affirmée :
- Nous avons une ingénieure matériaux dédiée,
- Nous collaborons avec des structures comme SupAgro, l’Institut Européen des Membranes ou le CNRS,
- Et nous faisons régulièrement intervenir des experts pour des problématiques précises (énergie, matériaux, emballage…).
Au fil des années, la R&D est devenue un véritable levier d’organisation. Elle professionnalise notre démarche, structure nos projets, et crée une dynamique interne qui ouvre des perspectives nouvelles, notamment dans l’adaptation de nos solutions au monde agricole.
Les projets innovants nécessitent des ressources importantes. Comment intégrez-vous les dispositifs de financement public dans votre stratégie ?
Les financements publics ont joué un rôle majeur dans notre trajectoire. Les premières années, le Crédit d’Impôt Innovation nous a permis de mieux structurer nos travaux et d’identifier ce qui relevait réellement de la R&D. L’impact financier était modeste au début, mais la prise de conscience méthodologique a été essentielle.
Le véritable tournant a eu lieu avec l’appel à projets Innov’Eau de l’ADEME, obtenu récemment.
Ce dispositif nous a permis :
- D’embaucher une ingénieure à temps plein,
- D’investir dans du matériel,
- Et d’accélérer fortement notre projet d’adaptation au monde agricole.
Au-delà du financement, ce type de dispositif contribue à transformer notre innovation en un véritable moteur stratégique pour l’entreprise.
Dans cette dynamique d’innovation, quelle place occupe aujourd’hui la propriété intellectuelle ?
Notre savoir de départ est très ancien : il ne s’agit donc pas de breveter un principe millénaire. En revanche, la défense de notre marque et la protection de nos nouveaux produits sont devenues essentielles.
Les démarches de protection peuvent être difficiles, mais elles sont nécessaires pour sécuriser les innovations qui émergent aujourd’hui de nos travaux R&D, notamment dans le cadre de nouveaux produits ou de nos projets liés au monde agricole.
Vous êtes accompagnés par EIF Innovation depuis plusieurs années. Quel rôle cet accompagnement a-t-il joué dans votre stratégie ?
EIF Innovation nous accompagne depuis cinq à six ans, sur le Crédit d’Impôt Recherche et Innovation, puis sur Innov’Eau. L’apport le plus déterminant a été la structuration : apprendre à formaliser nos travaux, clarifier nos projets, évaluer nos investissements et donner une cohérence globale à notre démarche R&D.
L’accompagnement sur Innov’Eau a été particulièrement marquant. Il a demandé beaucoup d’efforts, mais il a ouvert la voie à une nouvelle échelle d’innovation pour l’entreprise. Grâce à ce travail, notre R&D n’est plus seulement intuitive : elle est organisée, pilotée et pensée dans la durée.
Quelles sont vos ambitions pour les prochaines années en matière d’innovation et d’impact ?
Nous continuerons à réduire nos propres impacts, mais notre objectif principal est désormais d’accompagner d’autres acteurs vers la transition, notamment dans le monde agricole.
Sur le plan de l’innovation, nous développons plusieurs projets liés à la qualité de l’eau et à l’alimentation. La R&D occupe une place croissante au sein de l’entreprise et ouvrira encore de multiples perspectives dans les années à venir.